L’agnosticisme (partie 3 de 4) : Le fruit de fausses religions
Description: Comment le concept de l’agnosticisme s’est formé grâce au manque de défenses logiques du judaïsme et du christianisme modernes.
- par Laurence B. Brown, MD
- Publié le 02 Nov 2009
- Dernière mise à jour le 02 Nov 2009
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Comment expliquer le retour contemporain du gnosticisme, officiellement sanctionné par de nombreuses institutions religieuses? C’est assez compréhensible, en fait. Comme aucune défense logique du judaïsme et du christianisme modernes ne peut résister à la pression des analyses scripturales faites de nos jours, cette « exclusivité mystique » constitue la défense de dernier recours d’un statut quo doctrinal qui est en train de s’effondrer à grande vitesse. Une attrition considérable a déjà envahit de nombreuses sectes judéo-chrétiennes. Les autres fidèles sont pour la plupart forcés à adopter un « agnosticisme croyant », nourrissant une foi personnelle en l’existence de Dieu et se soumettant à une doctrine spécifique sur l’approche à adopter envers Lui, tout en reconnaissant que ces croyances ne peuvent être démontrées de façon objective.
La Critique de la raison pure d’Emmanuel Kant, la Philosophie de l’absolu de Sir William Hamilton (1829), et les Principes d’Herbert Spencer (1862) ont établi les fondements de ce concept et T.H.Huxley en a regroupé les idées et les a popularisées.
Le concept d’agnosticisme possède-t-il donc quelque valeur? Si nous reprenons l’exemple de la roche, qui n’a de valeur que pour celui qui en a besoin, l’agnosticisme présente un côté pratique pour ceux qui ont besoin d’un système de défense théologique. Ceux qui se satisfont d’une telle théologie ont tendance à clore leurs discussions religieuses en détournant la menace de l’argument rationnel du bouclier des défenses agnostiques. Pour tous les autres, la roche demeure une simple roche. Elle ne change rien et ne fait rien de particulier. Elle ne fait qu’occuper un emplacement métaphysique, impuissante.
Une étude de l’islam suscite d’intéressants points de vue, à cet égard. Les enseignements de l’islam n’étaient pas disponibles en langue anglaise avant que la traduction française d’André du Ryer ne soit traduite en anglais par Alexander Ross, en 1649. Cette première traduction anglaise était manifestement hostile à l’islam, bourrée d’inexactitudes et très loin d’encourager une analyse objective de la religion islamique. D’ailleurs, le traducteur s’adressait ainsi au « lecteur chrétien » :
« Comme il existe tellement de sectes et d’hérésies rassemblées contre la vérité [l’auteur fait ici référence au christianisme], et comme celle de Mahomet appelle au rassemblement, j’ai cru bon de la révéler au grand jour afin que, découvrant votre ennemi dans toute son ampleur, vous puissiez mieux vous préparer à l’affronter et, je l’espère, le vaincre... Vous trouverez [cet ouvrage] terriblement brutal, d’un aplomb déconcertant, bourré de contradictions, de blasphèmes, de langage obscène et de fables ridicules... Je vous le présente tel qu’il est, après m’être donné beaucoup de mal pour le traduire du français, sans douter un instant, comme s’il s’agissait d’un poison ayant affecté une grande part de l’humanité qui n’est point saine d’esprit, qu’il s’avère en même temps un antidote qui vienne vous confirmer le caractère sain du christianisme. »
Le préjugé du traducteur étant plus qu’évident, on ne s’étonne pas de trouver cette version anglaise du Coran truffée d’erreurs et rédigée de façon telle à rendre impossible toute impression favorable de l’islam sur la conscience occidentale. George Sale, n’ayant guère été impressionné par cette traduction, reprit le flambeau et s’essaya à une nouvelle traduction, tout en critiquant ainsi celle de Ross :
« La version anglaise n’est qu’une traduction faite à partir d’une traduction (française) de Du Ryer, elle-même très mauvaise. Pour Alexander Ross, qui a fait cette traduction anglaise, le fait d’être tout à fait ignorant de la langue arabe et d’être loin de maîtriser la langue française est venu ajouter un grand nombre d’erreurs à celles de Du Ryer. Cela, sans mentionner la mesquinerie du langage employé, qui aurait fait d’un meilleur livre un ouvrage ridicule. »[1]
Ce n’est donc pas avant la traduction anglaise de George Sale, en 1734, que l’Occident eut accès aux enseignements du Coran présentés avec plus d’exactitude, certes, mais non avec de meilleures intentions.
Car le point de vue de George Sale devient évident dès les premières pages, dans lesquelles il s’adresse ainsi au lecteur :
« Ils doivent avoir une mauvaise opinion de la religion chrétienne ou n’en connaître nullement les fondements, elle qui sait voir venir les dangers d’une fabrication aussi évidente... Mais quel que soit l’usage fait d’une traduction impartiale du Coran, il est absolument nécessaire de détromper ceux qui, à partir de traductions ignorantes ou injustes, ont entretenu une opinion trop favorable de l’original, tout comme il importe que nous révélions au grand jour cette grande supercherie. »
et,
« Seuls les protestants sont capables d’attaquer le Coran de façon efficace; et j’ai espoir que, pour eux, la Providence a réservé la gloire. »
La traduction du révérend J.M.Rodwell, d’abord publiée en 1861, coïncida avec la nouvelle popularité, au dix-neuvième siècle, des études orientales au sens scientifique du terme. Et c’est durant cette période, où naquit une nouvelle conscience islamique, en Europe occidentale, que Huxley proposa son idée de l’agnosticisme.
Des musulmans se posent peut-être la question à savoir : si Huxley avait vécu à notre époque de « l’information », où il est si facile de voyager et où nous sommes presque tous exposés aux autres cultures et religions, et s’il avait reçu des informations objectives sur l’islam, son choix aurait-il été différent? C’est une question intéressante. Qu’aurait fait cet homme, que l’on cite ainsi : « Si une grande Puissance acceptait de me faire toujours penser des choses vraies et de toujours me faire faire ce qui est bon, à la condition d’être transformé en une sorte d’horloge et d’être remonté chaque matin avant de sortir du lit, je conclurais immédiatement cette offre. »[2] Pour un tel homme, les règles complètes et détaillées de l’islam n’auraient pas été seulement attirantes, mais aussi bienvenues.
Cette discussion a commencé avec l’assertion selon laquelle l’agnosticisme coexiste avec la plupart des religions à doctrine établie. Les partisans de la doctrine peuvent être divisés, sur cette base, en sous-catégories. Par exemple, les chrétiens théistes (orthodoxes), qui conçoivent la réalité de Dieu comme démontrable, les chrétiens gnostiques, qui conçoivent la connaissance de la vérité de Dieu comme réservée à une élite spirituelle, et les chrétiens agnostiques, qui ont la foi tout en admettant leur incapacité à démontrer l’existence de Dieu. Les différences entre ces sous-groupes existent par leurs tentatives de justification.
De même, la plupart des religions peuvent être sous-divisées par la façon dont les fidèles tentent de justifier la foi à l’intérieur du cadre de la doctrine. Mais en fin de compte, ces divisions n’ont d’intérêt qu’au point de vue académique, car le pourquoi et le comment de la foi n’atteint pas plus la foi des fidèles que le pourquoi et le comment de l’existence de Dieu ne remet en question Son existence.
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