Pardon vs représailles (partie 1 de 2): Pardonner ou non
Description: Une brève explication de la loi islamique appelée qisas.
- par Aisha Stacey (© 2016 IslamReligion.com)
- Publié le 18 Apr 2016
- Dernière mise à jour le 10 Jan 2022
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L’islam est une religion qui tient compte la nature de l’être humain. Après tout, Celui qui nous a créés nous connaît mieux que quiconque. Nous n’avons pas été créés parfaits; nous faisons des erreurs, nous oublions, nous commettons des péchés, nous sommes parfois en proie à nos émotions et à l’influence hormonale et notre sens de la justice n’est pas toujours aussi parfait que nous le souhaitons. Ainsi, les deux principales sources de l’islam, le Coran et la sounnah (hadiths), ont établi, pour nous, les lignes de conduite à suivre afin de respecter la loi de l’islam. Contrairement aux sociétés laïques modernes, il n’y a aucune séparation entre la religion et l’État. Pour qu’une société islamique fonctionne, elle doit appliquer les lois de Dieu.
L’islam reprend le principe d’œil pour œil de la Torah (ou Ancien Testament) et utilise des châtiments capitaux et corporels pour de nombreux crimes. Cependant, on néglige souvent de mentionner que le Coran et les hadiths appellent fréquemment au pardon plutôt qu’aux châtiments. L’islam et ses principes légaux encouragent le pardon et l’entente entre les parties. En islam, qisas fait référence à la loi du talion. Le terme est dérivé du mot-racine qess, qui signifie repérer les effets ou la trace de quelque chose, ou encore retracer les pas de l’ennemi.
« Et si vous punissez, infligez une punition égale au tort que vous avez subi. Mais si vous endurez avec patience… voilà certainement la meilleure [voie à suivre]. » (Coran 16:126)
« Et Nous y avons prescrit pour eux vie pour vie, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent, et des représailles (de nature similaire) pour les blessures. Mais quiconque y renonce (par charité), cela lui vaudra une expiation. Et ceux qui ne jugent pas sur la base de ce que Dieu a révélé… les voilà les injustes! » (Coran 5:45)
Le qisas s’applique spécifiquement au meurtre et aux voies de fait graves. Lorsqu’une personne cause une blessure physique grave ou la mort, le blessé ou un représentant du mort a le droit de demander l’application de la loi du talion. Pour les crimes inclus dans la loi du qisas, la victime ou ses représentants ont trois options : exiger les représailles prévues, accepter une compensation financière ou pardonner. Le pardon peut même annuler la peine de mort.[1] Le Coran encourage à faire montre de pardon et de clémence, même dans les circonstances les plus difficiles.
« Dans la loi du talion, il y a la (préservation de la) vie, pour vous, ô hommes de raison; peut-être deviendrez-vous pieux. » (Coran 2:179)
Tel que mentionné plus haut, la loi du talion (qisas) s’applique à un type particulier de crimes, qui peuvent être punis de la même façon ou au même degré. Dans les cas de voies de fait graves, par exemple, la victime a le droit de choisir œil pour œil, oreille pour oreille, jambe pour jambe, etc. Le qisas permet également à la victime ou à ses représentants de demander une compensation (prix du sang ou diya, en arabe). Ce paiement est calculé selon le degré de la blessure infligée. Mais la victime ou ses représentants peuvent aussi choisir de pardonner et, malgré la légalité des trois options offertes, le Coran souligne clairement que le meilleur choix est celui du pardon. En islam, une entente ou une réconciliation sont toujours jugées préférables au talion.
« Mais quiconque pardonne et se montre conciliant, son salaire relève de Dieu. » (Coran 42: 40)
Un célèbre psychologue a un jour dit que sans pardon, notre vie est régie par un cercle vicieux de ressentiment et de vengeance. Peu importe laquelle des trois options la victime choisira, le but est de mettre un terme au cercle vicieux de représailles et aux répercussions du crime. Autrement dit, le qisas limite les conséquences; le besoin de justice de la victime est satisfait, tout en prévenant des torts inutiles infligés au coupable.
La combinaison de la diya (argent du sang) et du pardon constitue une incitation importante à laisser tomber le talion. Quand la victime est en mesure de choisir, dans la plupart des cas, elle choisit de pardonner parce que la récompense de Dieu, pour celui qui pardonne, est bien plus considérable et souhaitable que n’importe quel bénéfice terrestre et ne se compare pas au plaisir éphémère de voir un châtiment infligé au coupable.
Le prophète Mohammed a d’ailleurs toujours préféré le pardon au talion et son comportement constitue le meilleur exemple de pardon et de compassion. Les crimes commis à son endroit furent souvent ignobles et dégradants. Malgré tout, il appliqua les paroles de Dieu à la lettre et choisit la bonté plutôt que la colère et la vengeance. Il avait pourtant le pouvoir et les moyens de se venger, mais plus les crimes commis à son endroit étaient graves, plus il se montrait clément.
« Pardonne-leur, (ô Mohammed), commande ce qui est convenable et détourne-toi des ignorants. »(Coran 7:199)
Dans cet article, nous avons fait un survol de la loi du qisas et découvert que le pardon est toujours préférable à la vengeance. Néanmoins, Dieu connaît le besoin de justice de l’être humain et c’est pourquoi Il a établi une loi du talion qui est juste. Mais le Coran et les hadiths nous rappellent à plusieurs reprises que le pardon est meilleur et, dans le prochain article, nous découvrirons pourquoi.
« Qu’ils pardonnent et se montrent indulgents. Ne souhaitez-vous pas vous-mêmes que Dieu vous pardonne? Dieu est Pardonneur et Miséricordieux. » (Coran 24:22)
« Et en vérité, quiconque sait se montrer patient et pardonner fait preuve de résolution et de détermination dans ses affaires. » (Coran 42:43)
Note de bas de page:
[1] Punishment in Islam: An Eye For An Eye?" (Châtiment en islam: oeil pour oeil?) Al-Haramain Online Newsletter, Volume 4, numéro 8, Juillet 2000.
Pardon vs représailles (partie 2 de 2): Surmonter sa colère et pardonner
Description: Pourquoi le pardon est meilleur que les représailles.
- par Aisha Stacey (© 2016 IslamReligion.com)
- Publié le 18 Apr 2016
- Dernière mise à jour le 18 Apr 2016
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Comme nous l’avons expliqué dans le premier article, Dieu comprend la nature intime de l’homme. Certaines personnes ne seront jamais satisfaites si elles n’appliquent pas le talion contre leur agresseur et elles en ont le droit. Mais l’islam nous apprend plusieurs choses qu’il est bon de se rappeler avant de répliquer.
La première et la plus importante raison pour laquelle il est préférable de pardonner plutôt que d’user de représailles est que le Coran et le prophète Mohammed nous a encouragés à le faire. Le pardon signifie que l’on renonce à notre droit d’utiliser le talion à l’encontre de notre agresseur. Dieu offre de très larges récompenses à ceux qui pardonnent, car le pardon est un trait du noble caractère que chaque croyant doit chercher à atteindre. Même lorsque l’on sombre dans le désespoir, ces récompenses ont beaucoup de valeur; et si l’on arrive à être patient et à réfléchir avant d’user de représailles, on se rend compte à quel point le pardon est meilleur.
« (ceux) qui contrôlent leur colère et qui pardonnent à autrui. En vérité, Dieu aime les bienfaisants. »(Coran 3:134)
Le prophète Mohammed a dit : « Au Jour du Jugement, une voix demandera : « Qui, parmi vous, sont les gens pleins de bonté? », et certaines personnes se lèveront. Il leur sera alors dit : « Entrez au Paradis. » Les anges iront à leur rencontre et leur demanderont : « Où allez-vous? ». Ils diront : « Au Paradis ». Les anges diront : « Avant même d’être jugés? » Ils répondront: « Oui ». Les anges demanderont : « Qui êtes-vous? » Ils répondront: « Nous sommes les gens pleins de bonté. » Les anges demanderont : « Et comment se manifeste votre bonté? » Ils répondront : « Nous avions pour habitude de nous montrer indulgents envers ceux qui nous opprimaient et patients envers ceux qui nous agressaient et nous pardonnions à ceux qui nous offensaient. » Les anges leur diront alors : « Entrez au Paradis; quelle excellente récompense pour les pieux. »[1]
Dieu nous exhorte à maintes reprises à réfléchir, à être patients, à surmonter notre colère et à pardonner. Un des compagnons du Prophète a dit qu’à chaque fois qu’il y avait une discussion au sujet du talion, le Prophète ne recommandait rien d’autre que le pardon. Quand une personne est injuste envers nous ou nous opprime délibérément, nous sommes encouragés à répondre avec bonté, en faisant de bonnes actions ou en disant de bonnes paroles, et à ne pas céder à la haine.
« La bonne action et la mauvaise ne sont pas égales. Repousse le mal par ce qui est meilleur, et voilà que celui qui te traitait en ennemi (devient) un ami intime. Mais [ce privilège] n’est donné qu’à ceux qui sont patients et à ceux qui ont reçu une grâce immense. Et si jamais Satan t’incite (à agir autrement, ô Mohammed), alors cherche refuge auprès de Dieu. Certes, Il entend tout et Il sait tout. »(Coran 41:34)
« Et si vous punissez, infligez une punition égale au tort que vous avez subi. Mais si vous endurez avec patience… voilà certainement la meilleure [voie à suivre]. »(Coran 16:126)
L’islam permet le talion comme moyen d’atteindre la justice, de calmer la colère, de soulager la souffrance émotionnelle, de prévenir l’oppression et de mettre un terme à l’usage excessif de la force. En même temps, il encourage vivement la victime à pardonner. Au moment, pour la victime, de faire son choix, il est bon qu’elle se souvienne que Dieu Lui-même est le Très Juste :
« Au Jour de la Résurrection, Nous apporterons des balances justes. Et nulle âme ne sera lésée en rien, fût-ce du poids d’un grain de moutarde. Tout sera considéré, et Nous suffisons largement pour dresser les comptes. » (Coran 21:47)
Une autre bonne raison de considérer le pardon plutôt que les représailles est qu’il y a un lien direct entre la façon dont nous traitons les autres et la façon dont Dieu nous traite. Le prophète Mohammed a utilisé cette parabole pour l’illustrer : « Un marchand avait pour habitude d’offrir un crédit aux gens. Si l’un de ses clients se trouvait dans une situation financière difficile, il disait à ses assistants : « Effacez sa dette; peut-être Dieu nous pardonnera-t-Il. » Et Dieu lui pardonna. »[2]
Dieu décrit ainsi les croyants:
« …(ceux) qui s’abstiennent [de commettre] les péchés les plus graves et [de sombrer dans] l’indécence, qui pardonnent même lorsqu’ils sont en colère… » (Coran 42:37)
Notre incapacité à pardonner peut nous affecter grandement, à la fois spirituellement, émotionnellement et physiquement. Elle cause du stress et des problèmes de santé. Quand vous pardonnez à quelqu’un, non seulement vous renoncez à votre droit de représailles, mais vous renoncez également aux sentiments de vengeance et à la rancœur. Des recherches récentes sur les bienfaits physiques du pardon ont démontré que les gens qui ont cette capacité de passer, mentalement, du sentiment de vengeance au pardon en tirent des bienfaits qu’ils ne soupçonnent pas.[3] Une étude prétend même que les gens qui pardonnent vivent plus longtemps.[4]
Pardonner et oublier est une expression que l’on entend souvent. Bien qu’oublier puisse sembler impossible pour certains torts qui nous ont été faits, pardonner équivaut à placer toute sa confiance en Dieu. En pardonnant, Dieu retire ce fardeau de notre esprit et de notre cœur. Refuser le pardon est souvent une tentative inconsciente de garder le contrôle sur une situation donnée. Toutefois, le croyant doit savoir reconnaître qu’il ne s’agit là que d’une illusion, car seul Dieu contrôle tout.
« C’est Lui qui détient les clefs de l’invisible; nul autre que Lui ne connaît [ses mystères]. Et Il connaît tout ce qui est sur la terre et dans la mer. Pas une feuille ne tombe qu’Il ne le sache. » (Coran 6:59)
Un des plus grands exemples de pardon eut lieu lorsque le prophète Mohammed reconquit La Mecque. Ses fidèles et lui avaient dû fuir la ville après avoir subi de la torture et des abus de toutes sortes, après avoir été chassés de leurs maisons, affamés et humiliés, et même assassinés dans certains cas. Lorsqu’il revint humblement à La Mecque, entrant dans la ville à dos d’âne, le Prophète avait alors le pouvoir d’appliquer n’importe quelles représailles s’il l’avait souhaité. Et pourtant, il choisit de pardonner. Il dit aux gens de La Mecque les mêmes paroles qu’avait dites le prophète Youssef (Joseph) à ses frères :
« Il dit : « Point de récriminations contre vous aujourd’hui! Que Dieu vous pardonne. Il est le plus Miséricordieux des miséricordieux. » (Coran 12:92)
Note de bas de page:
[1] Al-Baihaqi
[2] Sahih Al-Boukhari, Sahih Mouslim
[3] http://www.psychologytoday.com/blog/fulfillment-any-age/201301/live-longer-practicing-forgiveness
[4] Toussaint, L. L., Owen, A. D., & Cheadle, A. (2012). Forgive to live: Forgiveness, health, and longevity (Pardonner pour vivre: le pardon, la santé et la longévité). Journal Of Behavioral Medicine, 35(4), 375-386. doi:10.1007/s10865-011-9362-4
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