Le flux, le jeûne et le falaah (partie 2 de 2)
Description: Comment atteindre le bonheur profond et le contentement ou « flux ». Partie 2 : les ingrédients du « flow » sont présents dans pratiquement toutes les formes d’adoration en islam. Les activités liées au « flow » demandent un investissement initial et une grande discipline.
- par Abdurraheem Green
- Publié le 04 Jul 2016
- Dernière mise à jour le 04 Jul 2016
- imprimés: 22
- Lus: 9,348 (moyenne quotidienne: 3)
- Évalué par: 0
- Envoyés: 0
- Commentés: 0
Prenons le jeûne, par exemple. À un certain moment, lors de la journée de jeûne, le jeûneur commence à ressentir la soif et la faim. La faim et la soif sont des processus biologiques de base qui font en sorte que des signaux sont envoyés à notre cerveau qui, lui, nous dit de manger ou de boire. Mais lorsque l’on jeûne, on décide consciemment d’ignorer ces signaux, de rejeter temporairement ces fonctions biologiques de base, car nous avons décidé qu’il y a, derrière le jeûne, un objectif plus important. Les facteurs qui motivent notre détermination sont très importants; plus ils sont liés aux choses terrestres, moins l’effet sera positif et moins l’expérience sera optimale. Par exemple, une personne qui jeûne par crainte d’être vue en train de manger ou de boire (durant le mois de ramadan, par exemple), ou encore pour des raisons de santé, n’en tirera pas les mêmes bienfaits que celle qui le fait uniquement pour plaire à Dieu. Ces raisons se fondent sur des choses extérieures, tandis que la dernière est autotélique. Mais peu importent les raisons, le jeûne nous apprend à contrôler nos impulsions et nous apprend que nous ne sommes pas totalement « victimes » de notre biologie. Le jeûne du musulman comprend une autre dimension, à savoir que la période de jeûne est prescrite du lever au coucher du soleil et que ne point retarder sa rupture fait partie de la discipline du jeûne. Le musulman est encouragé à rompre son jeûne en compagnie d’autres musulmans et à procurer nourriture et eau aux autres jeûneurs. Le musulman retrouve, dans le jeûne, tous les ingrédients du « flow ». L’action est définie, ni trop facile ni trop difficile, elle est autotélique, elle permet au jeûneur de sentir qu’il s’est amélioré en tant que personne et lui permet de faire de bonnes actions envers les autres. Ces conditions s’appliquent également aux cinq prières quotidiennes, à la charité obligatoire et au pèlerinage à La Mecque; elles s’appliquent, en fait, à la quasi-totalité des actes d’adoration.
L’intention, ici, est primordiale. Et elle peut nous amener vers le négatif comme vers le positif. Si, par exemple, vous nourrissez constamment des idées négatives, votre conscience devient préoccupée par ces idées et vous devenez de plus en plus déprimé. L’inverse est également vrai.
L’intention est la ferme résolution de faire quelque chose. Il s’agit d’une décision consciente. L’intention est très importante et c’est la clef qui contrôle la conscience et qui nous dirige là où nous voulons aller. C’est ici que la clef du contrôle de soi et de la discipline se trouve. Il faut aussi comprendre que nous avons une énergie mentale limitée, qui va à la baisse après un certain moment. Aussi, il nous arrive régulièrement d’être distraits des choses que nous avions l’intention de faire; nous tentons résolument de suivre une voie, mais nous sommes distraits par des doutes et des soucis. Ceux-ci drainent notre énergie, affaiblissent notre détermination et nous détournent de notre objectif. Les expériences dans lesquelles on retrouve le « flow » augmentent notre énergie mentale. C’est à se demander pourquoi les gens délaissent souvent les expériences optimales pour des expériences qui n’améliorent guère leur qualité de vie. Par exemple, aux États-Unis, les adolescents ne font l’expérience du « flow » que 13% du temps qu’ils passent à regarder la télévision, 34% du temps qu’ils passent à pratiquer des hobbies et 44% du temps qu’ils passent à pratiquer des sports ou s’adonner à des jeux. Pourtant, ces mêmes adolescents passent quatre fois plus de leurs temps libres à regarder la télé qu’à pratiquer des sports. Et l’on retrouve des pourcentages similaires chez les adultes.
Les activités liées au « flow » demandent un investissement initial d’attention avant de devenir agréables. Si une personne est trop fatiguée, anxieuse ou indisciplinée pour surmonter cet obstacle initial, elle devra choisir une activité qui sera, bien que moins agréable, plus accessible. Plusieurs choisissent tout simplement de les éviter et se complaisent alors dans des activités passives comme regarder la télé, afin d’éviter l’effort requis pour surmonter l’obstacle initial.
Les gens qui ont de la discipline apprennent à être fermes dans leurs décisions et à agir en fonction d’elles, puis trouvent les moyens d’atteindre une expérience optimale en les mettant en application. Ils surmontent leur réserve initiale et apportent du « flow » à leur vie.
À cet égard, parmi les choses les plus importantes, dans la vie du musulman, sont les cinq prières rituelles quotidiennes. Un hadith dit que si une personne prie deux unités de prière rituelle (ou salah) en ne pensant à rien d’autre qu’Allah (Dieu), tous ses péchés seront pardonnés. Cela semble facile, mais ça ne l’est pas; il est probablement plus facile de grimper le Mont Everest. Cela parce qu’il est très difficile d’interrompre notre dialogue intérieur, à moins de s’y exercer régulièrement. C’est la différence entre la prière d’une personne qui prononce les mots et fait les mouvements et celle d’une personne qui prie correctement, en comprenant ce qu’elle dit, en y portant attention et en était remplie à la fois de crainte et d’humilité.
C’est là que l’on comprend les paroles du prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) lorsqu’il a dit : « Il se peut que tout ce qu’une personne retire de son jeûne soit la faim et la soif; et il se peut que tout ce qu’une personne retire de ses prières nocturnes soit le manque de sommeil. »[1]
Cette lutte intérieure est appelée « jihad an-nafs » dans la tradition islamique et de nombreux ouvrages ont été rédigés à ce sujet. On dit qu’il s’agit du meilleur jihad, ou de la meilleure lutte : la lutte contre ses propres désirs et passions par amour pour Dieu. Il est plus qu’intéressant de découvrir que beaucoup de ce que les psychologues modernes nous disent au sujet de la condition humaine a déjà été amplement expliqué par les érudits musulmans. En fait, quiconque est familier avec la tradition spirituelle de l’islam et lit certains écrits de la psychologie moderne peut aisément s’imaginer que ces psychologues se sont largement inspirés des écrits islamiques.
Le « flow » peut également être vécu dans des choses négatives et destructrices. Il n’est pas suffisant de faire toute une série d’expériences optimales si votre vie en général n’a aucun sens ou objectif particuliers.
Il est fascinant que le Coran nous enseigne que Dieu, Allah, le Créateur, a fait de la vie un test et qu’Il nous a créés pour le labeur et la lutte. Ceux qui auront du succès sont ceux dont les intentions sont les plus pures et dont les actions sont les plus appropriées. Dieu regarde d’abord nos intentions et l’état de nos cœurs et non pas notre apparence extérieure ni nos richesses ou notre statut. Purifier notre cœur et nous concentrer sur le noble objectif de servir Dieu sont les clefs du succès (falaah) et la raison d’être de notre vie. Servir Dieu ne se résume pas à faire des prières et à glorifier Dieu; cela signifie aussi avoir le souci de pourvoir aux besoins de Ses créatures. Le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit :
« Au Jour du Jugement, Dieu, le Majestueux et le Tout-Puissant, dira : « Ô enfant d’Adam! J’ai été malade et tu ne M’as pas rendu visite! » La personne demandera : « Ô Seigneur! Comment aurais-je pu te rendre visite alors que Tu es le Seigneur de l’univers? » Dieu répondra : « Ne savais-tu pas que Mon serviteur untel était malade? Tu n’es pourtant pas allé lui rendre visite. Ne savais-tu pas que si tu lui avais rendu visite, tu M’aurais trouvé près de lui? »
« Ô enfant d’Adam! Je t’ai demandé à manger, mais tu ne M’as pas nourri! »
La personne demandera : « Ô Seigneur! Comment aurais-je pu te nourrir alors que Tu es le Seigneur de l’univers? »
Dieu dira : « Ne savais-tu pas que Mon serviteur untel t’a demandé à manger et que tu le lui as refusé? Ne savais-tu pas que si tu l’avais nourri, tu aurais trouvé Ma récompense dans cette action? »
« Ô enfant d’Adam! Je t’ai demandé à boire, mais tu ne m’as rien donné! »
La personne demandera : « Ô Seigneur! Comment aurais-je pu te donner à boire alors que Tu es le Seigneur de l’univers? »
Allah répondra : « Mon Serviteur untel t’a demandé à boire et tu le lui as refusé. Si tu lui avais donné à boire, tu aurais trouvé Ma récompense dans cette action. »[2]
Le paradoxe du bonheur est que lorsque vous tentez de le poursuivre, il vous échappe. Ce n’est qu’en acceptant la lutte intérieure que nous pouvons nous retrouver sur le chemin du bonheur.
Ajouter un commentaire