Réflexions philosophiques (partie 2 de 5)
Description: Cette série d’articles procure un cadre conceptuel qui répond aux « grandes questions » sur notre existence. La partie 2 nous amène à réfléchir sur ce qu’est le succès et sur la raison d’être de notre existence.
- par Hamza Andreas Tzortzis
- Publié le 24 Oct 2016
- Dernière mise à jour le 24 Oct 2016
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Le succès
« …ceux-là réussiront. » (Coran 7:157)
« C’est cela, certes, le triomphe suprême. » (Coran 37:60)
Une des meilleures définitions du succès que j’aie vues est : « La réalisation des intentions ». Par exemple, si j’ai l’intention d’apprendre à conduire et que je réussis l’examen de conduite, c’est un succès. En tant qu’humains, nous avons constamment des intentions : obtenir une promotion, devenir notre propre patron, être un bon père, une bonne mère, un bon mari, une bonne épouse, voyager dans le monde, écrire un livre, etc. Si nous atteignons les objectifs que nous nous étions fixés, nous considérons avoir réussi. Mais cette vision du succès est-elle importante?
Si nous vivons notre vie dans l’espoir d’atteindre nos objectifs, sans jamais nous questionner sur la raison d’être de notre existence, alors notre vie n’aura jamais de sens. Notre vision du succès est alors sans fondement et dépourvue de valeur réelle. Si une personne vit ainsi, elle ne peut atteindre l’objectif réel de son existence et ne peut donc atteindre le succès. On peut même se demander si sa vie aura valu la peine d’être vécue. Sa vie aura peut-être eu de l’importance vis-à-vis ces choses qu’elle souhaitait accomplir, mais sans plus.
Voyons la chose d’un point de vue scientifique: nos enfants, nos actions, les gens que nous aimons et tout ce que nous faisons ne sont que des agencements de molécules. Du carbone et divers atomes en combinaisons variées forment nos vies et même ces choses que nous avons l’intention de réaliser. Strictement de ce point de vue, l’humanité n’a guère plus d’importance qu’une nuée de mouches ou un troupeau de moutons, car leur composition est la même. Aussi, si nous suivons la ligne de pensée scientifique, notre mort est elle aussi insignifiante : nous mourons et puis c’est tout. La contribution des scientifiques à l’avancée de la pensée humaine, les recherches constantes pour trouver un remède au cancer, les efforts du système judiciaire pour établir la justice et la paix, tout cela n’a pas de réelle signification. Même si les êtres humains devaient exister pour toujours et sans interruption, cette éternité ne donnerait pas plus de sens à nos vies, car elles n’auraient toujours pas de véritable raison d’être.
Les existentialistes tels Sartre et Camus comprenaient l’insignifiance de la vie lorsque les gens refusent de reconnaître que leur existence a une raison d’être. C’est pourquoi Sartre a écrit sur la « nausée » de l’existence et que Camus voyait la vie comme une chose absurde, laissant ainsi entendre que l’univers n’avait aucune signification. Le philosophe allemand Nietzsche a affirmé en termes non équivoques que le monde et l’humanité n’avaient aucune signification ni aucune raison d’être rationnelle. Selon lui, rien d’autre n’existait qu’un chaos abrutissant, sans direction ni objectif.
Si nous trouvions la raison d’être de notre existence et donnions ainsi à notre vie une signification réelle, et si nous réalisions cet objectif – tel serait le véritable succès. Certains pourraient soutenir que cette discussion prend pour acquis, au départ, qu’il existe une sorte d’entité métaphysique qui a créé l’univers dans un but quelconque. C’est pourtant vrai. Car si nous faisons fi de cette réalité, nous ne pouvons que présumer que l’athéisme est dans le vrai. N’oublions pas que la conclusion logique de l’athéisme est que notre existence n’a aucune signification, conclusion qui met mal à l’aise plusieurs athées dans la mesure où elle va à l’encontre de notre nature innée et de nos dispositions psychologiques. Alors les questions suivantes s’imposent : quelle est la raison d’être de notre existence et quelle vision donnerait un sens à notre quête de succès?
Objectif
« Où donc allez-vous? » (Coran 81:26)
« Seigneur! Tu n’as pas créé tout cela en vain. » (Coran 3:190)
« Dieu n’a créé (tout) cela qu’en toute vérité. Il expose (en détail) les révélations pour les gens qui comprennent. » (Coran 10:5)
Le philosophe australien Ludwig Wittgenstein, qui a inspiré deux des principaux mouvements philosophiques du 20e siècle, a dit : « Je ne sais pas pourquoi nous sommes ici, mais je suis certain que ce n’est pas pour nous amuser. » Wittgenstein n’a pas trouvé la réponse à la raison d’être de notre existence, mais il a clairement laissé entendre qu’il y avait forcément une raison d’être à notre présence sur cette terre, même si elle ne pouvait être découverte de manière intuitive. Certains avanceront, toutefois, que l’hypothèse selon laquelle nous existons pour une raison est fausse et que si elle est fausse, alors nous n’avons pas à nous casser la tête et nous pouvons continuer à vivre librement et avec insouciance. Comme Albert Camus l’a expliqué : « Vous ne vivrez jamais si vous persistez à chercher un sens à la vie. » Le point de vue de Camus n’est pas ontologique; son souci semble surtout existentiel. Selon lui, le plus important est le sens que vous donnez à votre propre vie, indépendamment de l’existence (ou non) d’une vérité fondamentale. Ainsi, à la lumière de tout cela, nous pouvons nous demander : est-il raisonnable de croire que notre existence a une raison d’être?
Pour répondre à cette question, il faut prendre les points suivants en considération :
Vous lisez probablement ceci chez vous, assis sur une chaise et vêtus. Je vous pose alors la question : pour quelle raison? Pourquoi êtes-vous vêtus et pourquoi êtes-vous assis sur une chaise? Comme il s’agit de questions rhétoriques, vous n’avez pas à y répondre, car nous connaissons tous les réponses. La chaise est là pour vous permettre de vous asseoir en supportant votre poids et vos vêtements vous préservent des éléments, masquent votre nudité et vous permettent d’avoir meilleure allure que nu. Maintenant, laissez-moi vous transporter dans une forêt, quelque part dans le monde; sur un arbre, il y a un papillon de nuit. Ce papillon boit la sève de l’arbre et, sous lui, se trouve un autre papillon identique dont le rôle est assez étrange : il boit les excréments du premier papillon. Pourquoi? Parce que le premier papillon élimine quasi instantanément ses excréments au fur et à mesure qu’il boit la sève. Vous vous demandez sûrement où je veux en venir avec tout cela. C’est que le rôle du deuxième papillon est d’empêcher les excréments du premier de se déposer sur l’écorce de l’arbre pour ne pas que les fourmis, entre autres, montent sur l’écorce, attirées par l’odeur, et mangent le premier papillon. En termes simple, le deuxième papillon constitue l’assurance-vie du premier!
Vous ne saviez probablement rien de ce papillon de nuit avant de me lire et même si une maladie éradiquait les papillons de nuit, cela ne vous inquièterait pas outre mesure – enfin, la plupart d’entre vous ne s’en inquièteraient pas. Mais vous attribuez maintenant une raison d’être à cette créature insignifiante, comme vous attribuez une raison d’être à vos vêtements et à votre chaise, qui sont des objets inanimés et qui ne possèdent aucune faculté mentale ou émotionnelle. Et pourtant, vous refusez d’attribuer une raison d’être à votre propre existence. N’est-ce pas absurde?
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