Jeremy Ben Royston Boulter, ex-chrétien, Royaume-Uni (partie 5 de 7)
Description: L’islam évolue dans le cœur. Partie 5.
- par Jeremy Ben Royston Boulter
- Publié le 14 Jul 2014
- Dernière mise à jour le 14 Jul 2014
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Trois conditions
Je me mis à penser à la peine que je ressentais pour ma famille et je décidai d’attendre que trois conditions soient remplies avant d’embrasser l’islam.
1. Que mon épouse accepte cette religion elle aussi.
2. Qu’elle accepte d’abandonner son emploi et de venir vivre avec moi en Arabie.
3. Qu’un problème (personnel) entre elle et moi soit réglé.
Je me promis d’attendre que ces trois conditions soient remplies et fis le serment de ne pas embrasser l’islam avant qu’elles ne le soient.
Je commençai à parler de mes lectures à mon épouse. Même si je faisais des efforts pour ne pas paraître trop enthousiaste, mon étonnement par rapport à ce que j’avais découvert et mon accord total avec ces notions devaient certainement ne pas passer inaperçus. Je lui écrivis email par-dessus email et clavardai longuement avec elle sur msn. Je lisais constamment sur le sujet, entre autres sur internet, et je m’attardais aux arguments que les musulmans tiraient de la Bible pour appuyer l’islam. Mon enthousiasme d’avoir découvert que l’islam était, en quelque sorte, une extension de notre religion, mais purifiée de ses erreurs et de ses faussetés, dut l’affecter beaucoup, car elle manifesta une certaine consternation et elle finit par écrire : « Tu parles comme si ta conversion était chose faite. »
Suite à ce commentaire, je fis une pause, car je venais de réaliser que même si je ne l’avais pas prononcé avec ma bouche, j’avais déjà fait ce pas, dans mon cœur; et la réponse que je lui fis refléta cette réflexion :
« C’est effectivement chose faite. »
À partir de ce moment, mon épouse n’eut de cesse de me reprocher de ne pas l’avoir consultée avant de prendre une décision aussi importante. Et, chaque fois, je me défendais en lui répondant que je ne m’étais pas officiellement converti, mais que je l’avais fait dans mon cœur uniquement. Cette dispute fit dérailler mes efforts pour lui transmettre le message de l’islam et mena à des rencontres très tendues et pénibles lors des vacances, quand je rentrais chez moi, et au cours des trois étés suivants. Mais ça, c’est une autre histoire.
La mosquée et les orphelins
Entretemps, je fis pour la première fois l’expérience de prier avec des musulmans. Un weekend, en début de soirée, je revenais chez moi, à pied, d’un après-midi de shopping. J’avais acheté des vêtements similaires à ceux portés par les gens de la place et je voulais les étrenner. En fait, je portais une de ces robes pour hommes (thobe), que je venais juste d’acheter, et transportais dans un sac mes vêtements « occidentaux ». Le soleil était à l’ouest, au moment où je quittai le centre-ville, et pratiquement couché alors que j’étais à mi-chemin de chez moi. C’est alors que se fit entendre l’appel à la prière en provenance d’une petite mosquée de laquelle je m’approchais. Des gens fermèrent leurs volets et les marchands de rue recouvrirent de bâches leurs biens à vendre. Des hommes sortirent de tous les commerces et habitations environnants, se dirigeant en un flot continu vers l’une ou l’autre mosquée du voisinage. C’était impressionnant! Un seul appel en provenance du minaret et des milliers de réponses en un instant. Je décidai d’aller voir les gens prier pour me faire une idée de ce qu’était la prière, en islam.
Alors que la prière débutait, je tentai du mieux que je pus d’imiter les fidèles, autour de moi. Il y avait déjà deux rangs de formés et, lorsque les gens se joignaient à un rang, ils levaient les mains, puis les croisait sur leur poitrine. Cela me sembla facile à suivre et j’allai me placer dans un rang. Plusieurs enfants vinrent se mettre en rang à ma suite, formant un bout de rang un peu agité. Tandis que les hommes, autour de moi, s’inclinaient et se prosternaient, je copiai leurs mouvements, tout en jetant des regards furtifs, à gauche et à droite, pour voir si j’étais repéré. Nul ne me portait attention et chacun était concentré, les yeux baissés regardant un point invisible devant ses pieds. Leur communion avec Dieu était palpable et je tentai de me connecter à Dieu de la même façon, malgré le fait que je n’avais aucune idée de ce qu’ils disaient et de ce que je devais dire pour établir ce lien.
« Mon Dieu, aide-moi à remplir les conditions que je me suis imposées et convainc mon épouse (de se convertir). Guide-moi vers Toi et guide ma famille. Je crois en Toi, le Dieu unique, et je ne crois en aucun être humain en tant que divinité. »
Je répétai cette invocation, encore et encore, comme un mantra. Je ne crois pas avoir atteint le même degré de communion que les fidèles, autour de moi, mais je sentis un soulagement, dans mon cœur, une fois la prière terminée. Comme je remettais mes chaussettes et mes souliers, deux des enfants qui avaient prié près de moi vinrent me voir.
"Anta Muslim? Limada tusalli? ‘adam wa’dha al yedduka al yameen ala shimal."
Les enfants avaient repéré que j’étais un véritable blanc-bec et doutaient que je fusse réellement musulman. Ils me montrèrent comment j’aurais dû positionner mes mains, comment j’aurais dû me prosterner et m’incliner, comment j’aurais dû positionner mes pieds, etc. Évidemment, je ne comprenais pas l’arabe, mais j’avais compris, par leurs signes, qu’ils estimaient que j’avais besoin d’un certain entraînement avant de prétendre passer pour un véritable membre de la congrégation. Ils me firent signe de les suivre jusqu’à leur domicile afin que leur frère aîné puisse me parler.
Devant leur porte, j’hésitai à entrer, méfiant. Alors un des enfants revint et me fit signe d’entrer. Je le suivis dans un couloir et il me fit signe d’entrer dans une pièce, à droite, dans laquelle je pénétrai en traversant un rideau de perles. La pièce était en fait un petit salon, dont le sol était recouvert de coussins, typique des maisons arabes. Un jeune adolescent, qui avait peut-être 15 ou 16 ans, se leva et vint me saluer.
Il était très hospitalier, mais ne put m’aider à comprendre ce que les enfants essayaient de me dire. Il me servit du café arabe, dans de petites tasses, et me proposa quelques dattes. Je me demandai tout à coup pourquoi c’étaient les enfants qui me recevaient chez eux; où étaient les parents?
« Où sont papa et maman? » demandai-je.
Soit il ne comprit pas, soit il lui était impossible de l’expliquer par signes. Il me fit signe d’attendre, alors je me dis qu’ils allaient peut-être arriver bientôt. Mais plutôt que les parents, c’est un autre jeune homme, à peine sorti de l’adolescence, qui vint nous rejoindre. Il parut surpris de me voir assis dans le salon avec son frère et nous échangeâmes quelques mots.
« Ameriki? »
Je secouai la tête : « Non, British ».
« Bienvenue, bienvenue », me dit-il en anglais. « Café? »
Je secouai à nouveau la tête; j’en avais assez bu.
Il se leva et me fit signe de le suivre. « Tawadha », dit-il, ce qui signifiait « allons faire nos ablutions ». Il frotta ses mains ensemble, comme s’il les lavait. « Laver, aller masjid ».
Il voulait que nous nous préparions à nous rendre à la mosquée pour la prière du soir.
Une fois à l’extérieur, il me dit : « Mettre votre main », soulevant ma main droite « sur ça », ajouta-t-il, la plaçant par-dessus ma main gauche, puis les soulevant les deux pour les coller sur ma poitrine. Nous étions en train de traverser la rue et il s’était arrêté en plein milieu pour me montrer comment positionner mes mains, comme s’il n’y avait aucune voiture autour de nous. Il me montra à prier en levant ses deux mains près de ses oreilles. « Faites comme moi! »
À la mosquée, je me mis en rang à côté de lui et l’imitai du mieux que je pouvais.
Lorsque nous retournâmes chez lui, le repas était servi sur une grande nappe à même le sol. Je lui demandai : « votre maman? »
Je me dis que le mot « maman » était un mot international pour désigner une mère et qu’il comprendrait. Il secoua la tête et mima la position du sommeil et fit un mouvement vers le bas avec sa paume ouverte. « Baba wa mama fiy mout,yarhamhummullah. Ma sœur fait manger. »
Ils étaient donc orphelins et ce jeune homme avait, avec sa sœur, la responsabilité d’élever sa famille. Comme il s’exprimait difficilement en anglais, la conversation fut très décousue. Il demanda : « Vous aimez islam? »
Je lui fis signe que oui.
« Pourquoi vous pas musulman? »
Je lui dis que j’avais besoin de temps pour réfléchir.
Il m’offrit de me ramener chez moi et j’acceptai. « Vous besoin aide, vous visiter nous », me dit-il au moment où je descendais de voiture.
Je le remerciai.
Puis, des paroles que j’allais entendre des milliers de fois, dans ce pays, sortirent de sa bouche : « Besoin service? »
La gentillesse et la générosité de cette famille orpheline restèrent tout au fond de mon cœur. J’avais été très touché par leur bonté et apprécié leurs efforts sincères pour me guider. Mais la personne qui eut le plus grand impact sur moi était un homme dont j’allais bientôt faire la rencontre. C’était un Iranien séjournant en Arabie et cherchant à obtenir la citoyenneté américaine et il s’apprêtait à arriver dans ma vie à l’improviste.
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